Jul Maroh

Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici

France

Du 02 avril au 03 mai 2024

Discipline

Multidisciplinaire

Biographie

Artiste multidisciplinaire transféministe, Jul Maroh raconte des histoires sur l'intimité́ moderne et ses facettes politiques. Sa première bande dessinée, Le Bleu est une couleur chaude, paraît en 2010. Ce livre reçoit divers prix et se voit adapté au cinéma sous le titre La Vie d'Adèle (Palme d'Or à Cannes 2013). Jul Maroh publie ensuite Skandalon, Brahms, Corps Sonores, City & Gender, et You brought me the ocean. En parallèle, iel a été́ commissaire au CAPC de Bordeaux pour y créer la narration spatiale intitulée Procession, et cofonda également le collectif féministe BD Egalité. Ses travaux récents se nourrissent directement de son expérience transgenre et des problématiques LGBTQ+.

Notre rencontre avec Jul

De gestes renouvelé·es

Le dessin travaille le corps comme le temps travaille le bois. L’artiste qui dessine s’astreint à de longues heures le dos courbé, le bras et les métacarpes en tension, le regard continûment fixé sur une fine ligne d’encre en guise d’horizon. L’esprit, pour sa part, étouffe le bruit des vagues et le mouvement des feuilles, pour que rien ne vienne faire éclater la fragile bulle de concentration qui enveloppe ce corps dessinant. Et puis, parfois, l’organisme fait relâche.

Quand on l’a rencontré·e, Jul Maroh n’était pas au meilleur de sa forme, on a même failli reporter l’entretien. Mais dopé·e au paracétamol, iel a finalement insisté pour discuter un peu. En entrant dans son bureau-atelier de la Villa Fort-Louis, on a vite remarqué le petit pupitre incliné et le repose-coude ergonomique installés face à la mer et au parc. La création n’est pas une sinécure, et une résidence d’écriture, assurément pas une maison de repos.

« Dans cette pièce, je mène un travail d’ermite. Cette résidence, c’est un tunnel, je dois y dessiner et y encrer les planches de mon prochain album. L’enjeu de cette étape, c’est de tenir la distance, sur un temps long. En résidence, il faut vite s’imposer des rythmes et des petits rituels de décompensation. Je marche au bord de la mer le matin, et je dessine le reste du temps. »

Le prochain album de Jul Maroh s’intitulera Boutonné en jalousie, un titre énigmatique pour qui n’est jamais resté que de ce seul côté de l’océan, mais qui trouve son sens si, comme Jul, on a frayé un temps du côté de Montréal. « Ici, on dirait plutôt boutonner lundi avec mardi. Dans l’histoire, l’expression est prononcée par un personnage québecois, qui remarque ce petit désordre vestimentaire chez un autre, vous verrez bien pourquoi. » L’auteur·ice livre quand même quelques clés de son prochain opus. « C’est l’histoire d’un coming-out adolescent, à notre époque, quinze ans après Le bleu est une couleur chaude, et près de dix ans après la manif pour tous. Le ressort narratif, c’est un ʺenemies to loversʺ, quand l’attraction mutuelle se fait plus forte que ce qui oppose deux personnes, socialement ou idéologiquement. C’est un motif qui me fascine. Ce sera aussi une adaptation du poème Arlequin de Mireille Havet, une poète lesbienne proche des surréalistes, autour de cette figure costumée et masquée, évidemment propice au dévoilement. »

Après la dystopie Hacker le corps, Jul reconnaît sans peine qu’aucun de ses livres n’est amnésique des précédents. « J’explore, sous des formes renouvelées, les zones de tensions entre les désirs de l’intime et les rôles imposés par le collectif. C’est le quotidien des minorités d’être toujours prises dans ce type de frictions. » S’iel fanfaronne un peu en affirmant sa fierté d’être inscrit·e sur les listes noires de certains états américains, Jul se montre toutefois très vigilant·e face à certains mauvais signes de l’actualité de ce côté-ci de l’Atlantique, « Notre rapport à l’altérité évolue, c’est un fait, mais ce serait trompeur de croire en un progrès naturel et constant. Les boucs émissaires changent, les réactionnaires sont à la manœuvre, et un backlash est toujours à redouter. »

Jul continue donc à mener ces luttes, sur les terrains artistique, sociétal et social, « Je ne vois pas ma vie sans la bande dessinée, mais il faut que je puisse y conserver un rapport sain et heureux. C’est un métier précaire, et usant. L’enjeu, avec ces temps de résidence, c’est aussi de travailler et de conserver un geste qui reste joyeux. »

Du bureau-atelier de la Villa Fort-Louis, on entend le bruit des vagues et le mouvement des feuilles. À la vérité, en écoutant mieux, il s’agit plutôt de Hiroshi Yoshimura qui joue sur l’ordi de Jul. « Ça m’aide à rester concentré·e. » On comprend le message, on s’éclipse, il est temps de laisser le corps travailler.

© Philippe Guerry    

Son projet de résidence

Lors de cette résidence, Jul Maroh va adapter le poème L'Arlequin de Mireille Havet en fiction contemporaine, sous la forme d'un roman graphique. Cette oeuvre sera la rencontre entre une histoire d'amour et un récit d'initiation. 

Dans un second temps, l'artiste travaille à la création de portraits sur panneaux de bois. Ces pièces évoquent les corps transgenres, notamment inspirées d'icônes de la communauté LGBTQIA+. Ces peintures seront traversées par des attributs mythologiques et hybrides de Chiron.

Les rendez-vous

  • 18 avril à 18h30

    Maison des Écritures

    Participation à la soirée “Carte Blanche” de Nicoz

  • 30 avril à 18h

    Maison des Écritures

    Soirée de restitution du projet croisé SPIP17 x Centre Intermondes x Maison des Écritures

  • 02 mai à 17h30

    Maison des Écritures

    Sortie de résidence publique

© Jul Maroh