Hyam Yared

Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici

Liban

Du 13 janvier au 31 mars 2024

Discipline

Littérature

Biographie

Lauréate en 2007 de la Bourse Del Duca décernée par l’Académie française, Hyam Yared est née en 1975 à Beyrouth où elle a étudié la Sociologie à l’Université Saint Joseph de Beyrouth. Elle écrit et publie depuis 2001. Dans ses œuvres romanesques elle aborde la vie au Liban, la guerre, le poids des traditions, mais également les relations hommes/femmes et la violence des discriminations. Elle n’hésite pas à mettre en scène le corps comme une revendication à une sexualité libérée des conventions d’une société traditionnelle. Son œuvre lui a valu d’être nommée Chevalier des arts et des lettres en 2013 après avoir été sélectionnée par le programme Beirut 39 du Hay Festival. Nommée docteure honoris causa par le Conservatoire Nationale des Arts et Métiers à Paris, en mai 2018, elle a également été titulaire de la chaire Albert Camus au sein de l’ImÉra à Marseille de février à Juillet 2019.

Pendant sa résidence

Durant sa résidence, Hyam Yared ira à la rencontre d'élèves du lycée Valin, interviendra auprès du SPIP 17 lors de deux ateliers, ateliers qu'elle déclinera également avec les membres du Comité de Quartier de La Genette. Enfin, un temps d'échanges et de création aura lieu au Centre Social de Villeneuve avec des personnes allophones apprenant le français.

Notre rencontre avec Hyam

Résilience d’écriture

Hyam Yared a versé dans un petit bol en faïence un seasonal mix d’amandes et de pistaches grillées en provenance directe du duty free de l’aéroport de Beyrouth et la conversation s’est engagée, à la fois légère et grave, sur l’économie du Liban, les ports qui explosent, les couples qui implosent, la grande arnaque de la maternité, les enfants qui vous écrivent des poèmes où ils vous reprochent de les avoir laissés pour partir en résidence.

L’écrivaine libanaise travaille en ce moment à l’écriture d’un nouveau roman – le sixième si l’on ne compte pas Implosions, terminé lors d’un précédent séjour à La Rochelle, qui est le récit auto-fictif, minuté, de la déflagration qui a emporté, le 4 août 2020 à 18h07, le cœur de Beyrouth et la raison des Beyrouthins. Hyam était à ce moment précis en pleine thérapie de couple et s’est retrouvée sous le bureau de sa psy, à la protéger. « La réalité m’offre souvent ce genre de scène incroyable. Ma psy était apeurée, j’étais plus habituée qu’elle à vivre ce type d’événement, je me suis retrouvée à prendre soin d’elle. À partir de là, toute thérapie était impossible. »

Implosions se déploie, de façon virtuose, en une multitude de discours, où chaque personnage, chaque ami, chaque parent, cherche un sens dans ce qui n’est plus qu’un chaos : est-ce maintenant qu’il faut partir ? Pourquoi encore rester ? Manifester sert-il à quelque chose ? Peut-on encore faire confiance à un gouvernement ? À quel taux cashifier son argent ? Comment peux-tu encore, Hyam, faire des enfants ? « C’est le drame d’un pays où, tous les dix ans, le ciel vous tombe sur la tête, au sens propre : la résignation et la résilience deviennent presque exotiques… il faut vraiment croire dans son combat pour qu’il continue d’exister. »

Face au gouffre, à la béance, à l’absence d’État, Hyam témoigne que le Liban peut compter sur l’activisme phénoménal de la société civile, « Les peuples qui sont dans la tragédie constante développent des compétences qu’on ne trouve pas ailleurs, c’est sans doute ce qui fait de nous qui nous sommes, des commerçants, des voyageurs… C’est une forme de grâce compensatrice, dont on se passerait bien. »

Le prochain livre de Hyam parlera d’Ukraine, à travers le récit d’une femme dont la famille a fui l’invasion soviétique. Il y sera aussi question de céramique. Soit une histoire de terre fragmentée, de cassure et de fragilité. L’écrivaine reconnaît sans mal les parentés entre ce travail en cours et ses précédents livres : « À chaque nouveau projet, je me promets de tenir le Liban à distance mais je vois bien qu’avec un récit qui parle d’enclavement, de déracinement et d’autonomie, il y a évidemment quelques coïncidences avec la situation de mon pays. » Tout juste confesse-t-elle que, pour la première fois, écrire lui est un peu plus difficile qu’à l’accoutumée.

Hyam a tout de même terminé, au tout début de sa résidence, un recueil de poèmes. Et elle retient, pour l’heure, l’écriture d’une « autopsie du désir ». Et au fil de la conversation, elle a émis l’idée d’un livre sur la maternité, ou plutôt « un pamphlet contre la tyrannie de la reproduction qui ne remette pas en question l’amour que l’on porte à ses enfants. » Sans compter quelques autres projets secrets, que Hyam préfère taire pour l’instant. De toutes façons, c’est le moment de nous séparer, nous avons épuisé le seasonal mix, en provenance directe de Beyrouth.

 

© Philippe Guerry

© Julien Chauvet - ville de La Rochelle