Nicolas Kerszenbaum

Catégorie(s) : Ils ont séjourné ici

France

Du 22 janvier au 07 février 2024

Discipline

Théâtre

Biographie

Metteur en scène, auteur, diplômé d'Études Théâtrales (Paris X) et d’Économie, il se forme par des stages en France et à l'étranger et des assistanats. Il fonde en 2005 la compagnie “Franchement, tu” avec qui il écrit, adapte, met en scène une vingtaine de créations. Récemment, il crée Coeur des Ténèbres (2023) pour le CCAM, Scène Nationale de Vandoeuvre ; Kairos (2023) pour la Maison de la Culture d' Amiens ; Un miroir Thaï (2022) pour le Festival International de Théâtre ed Bangkok ; Perséphone (2022) et Une belle inconnue pour le Théâtre de la Poudrerie Prochainement, il créera Good Fortune (2023) pour le Festival French May à Hong Kong. Il a en outre travaillé quatre ans pour les Tréteaux de France - CDN en tant qu'artiste associé. Pour le Nouveau Théâtre de Montreuil, il intervient auprès des lycéens en option théâtre du lycée Jaurès de Montreuil et des étudiants de la Sorbonne Nouvelle.

Notre rencontre avec Nicolas

Le chercheur d'awe

Nicolas termine son repas. Julien ne peut pas être là pour la photo. La Villa Fort-Louis est en mode hiver. Un groupe visitera le bâtiment pendant la rencontre. On s’adapte.

Nicolas Kerszenbaum est en résidence d’écriture pour l’adaptation théâtrale d’un Bref instant de splendeur d’Ocean Vuong. Il confirme que ce n’est pas ne rien faire, s’adapter, ou adapter : « La Maison des Écritures offre le tout premier moment d’un travail de création, extraordinairement précieux, qui est un temps de rêverie. Concrètement, pour ce projet qui en est au tout début, je consacre mon temps à lire, à relire, à annoter le texte de Vuong, pour en comprendre sa structure, pour savoir comment il est construit, comment opèrent les relations. Cette intimité avec le texte est nécessaire pour comprendre quelle direction je veux donner à l’adaptation. Est-ce qu’on s’attache aux fragments ? aux entrelacements ? Cette étape de travail est celle où je mets à l’épreuve certaines intuitions. »

Nicolas ne cache pas qu’une certaine recherche formelle l’anime aussi. Il aime travailler sur des formats inhabituels, en appartement, dans des salles de classe, en lisière de forêt au crépuscule, comme lors de sa précédente création, Coeur des ténèbres, inspirée du roman de Conrad, et dont l’adaptation avait débutée, elle aussi, lors d’une résidence à La Rochelle. « Je ne suis pas un vrai théâtreux, avance-t-il, j’entretiens un rapport un peu distant avec le spectacle vivant. Pour chaque création, j’essaie de trouver une forme qui ne me soit pas tout de suite familière. »

Cette recherche du décalage, du léger contre-pied préside aussi aux choix des œuvres que Nicolas entreprend d’adapter. Ce voyageur avoue qu’il cherche à confronter son approche théâtrale à des réalités qui ne sont pas la sienne. En s’inspirant des Fortune tellers de Hong-Kong, des témoignages d’exilés thaïlandais, des rêves d’Occident d’un jeune garçon ivoirien, Nicolas replace à hauteur d’homme ce que lui inspire le monde contemporain, en évitant les écueils d’un certain théâtre politique un peu trop naïf selon lui. « Tout autant que l’altérité, je cherche aussi où se trouve la complexité. J’aime bien ne pas comprendre quand je découvre un endroit, ou quand j’entre dans un texte avec lequel je vais passer deux ans. »

En faisant le choix d’adapter Un Bref instant de splendeur , qui mêlera aussi sans doute des extraits du recueil qui l’a suivi, Le temps est une mère, Nicolas aimerait se confronter à un sentiment assez peu en vogue : il aimerait tendre vers une certaine forme de joie. « Je n’arrive pas à me dire que le fond du monde, c’est la noirceur. Certes, le roman parle de violence, avec en arrière-plan la décadence de l’idéal américain, mais il témoigne aussi de vrais moments d’émerveillement, quelque chose que la langue anglaise nomme "awe", qui se traduit par la stupéfaction, la sidération que peut provoquer ce qui nous dépasse, comme la beauté. Artistiquement, j’ai très envie de chercher, de tester, de trouver ce qui peut faire basculer dans cet état. »

Dans quelques semaines, Nicolas va entreprendre un drôle de périple. Il se lèvera avant l’aube, et parcourra chaque jour le même itinéraire dans la campagne d’Amiens, où il a sa compagnie, franchement, tu, pour observer, à la manière de Monet et sa cathédrale, les minuscules changement du jour, annonciateurs du printemps. « Je veux être là pour voir comment le printemps va bouffer l’hiver ! »

Le grand rire joyeux de Nicolas résonne dans le salon de la Villa Fort-Louis.

Il y fait un peu moins froid

Un bref instant de chaleur.

© Texte de Philippe Guerry

Projet de résidence

Un bref instant de splendeur

Une adaptation scénique de Un bref instant de splendeur, de Ocean Vuong. Roman poème qui témoigne, à travers le parcours du personnage Little Dog, de l'amour d'un fils pour une mère maltraitante, du déracinement et des guerres comme source d'identité, et de la construction de soi au sein de modèles minoritaires, Un bref instant de splendeur est aussi un cruel tableau contemporain des USA (et, par extension, de nos sociétés occidentales). Il se propose, pendant cette première période de recherche à la Maison des Écritures, de développer les premières lignes de l'adaptation du roman : le concept d'écriture chorale qu'il y emploiera, les grandes orientations de ce qu'il gardera du roman pour son passage à la scène.

Synopsis : Un bref instant de splendeur se présente sous la forme d’une lettre qu’un fils adresse à sa mère qui ne la lira jamais. Fille d’un soldat américain et d’une paysanne vietnamienne, elle est analphabète, parle à peine anglais et travaille dans un salon de manucure aux États-Unis. Elle est le pur produit d’une guerre oubliée. Son fils, dont la peau est trop claire pour un Vietnamien mais pas assez pour un Américain, entreprend de retracer leur histoire familiale : la schizophrénie de sa grand-mère traumatisée par les bombes ennemies au Vietnam, les poings durs de sa mère contre son corps d’enfant, son premier amour marqué d’un sceau funeste, sa découverte du désir, de son homosexualité et du pouvoir rédempteur de l’écriture. [...]

©Marie Clémence David